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La beauté de vieillir sous les tropiques

La beauté de vieillir sous les tropiques

Si vous deviez engager un repéreur, armé de tout ce que la science moderne a découvert à propos de la distillation et du vieillissement des spiritueux, il serait difficile de trouver de meilleur endroit pour une distillerie de rhum qu’une île comme la Jamaïque au cœur des Caraïbes.

Mais tandis que le sol fertile et l’eau douce et pure de l’île en font l’endroit idéal pour fermenter la canne à sucre locale, le microclimat tropical unique de la région est parfaitement adapté au vieillissement du rhum haut de gamme, grâce à la chaleur et à l’humidité tropicales intenses qui aident les fûts de chêne à opérer leur magie sur le spiritueux.

Vieillissement tropical vs continental

Lorsque le distillat de canne à sucre sort de l’alambic, il est clair et incolore, avec un soupçon d’herbe et une douceur délicate. C’est un bon début mais, comme l’ont découvert les pionniers de l’ère coloniale de l’industrie du rhum, le vieillissement du liquide dans un fût de chêne transforme le spiritueux en faisant ressortir les riches saveurs naturelles du rhum. Au XVIIe siècle, un capitaine de navire hollandais remarqua l’effet des fûts pendant le transit, écrivant dans son journal que « les spiritueux sont maintenant plus doux en bouche et ont acquis une couleur dorée pendant le voyage. »

Fait intéressant, cette découverte qui changea le rhum était probablement accidentelle. Le rhum était souvent entreposé et expédié dans des fûts en bois et, s’il passait suffisamment de temps en transit, les marchands découvraient que le spiritueux avait acquis une couleur sombre et profonde ainsi que des notes subtiles de vanille et de caramel, des saveurs conférées par le bois.

Ils ont également découvert que la durée du vieillissement était un ingrédient clé du rhum haut de gamme. Ceci étant dit, parce que le climat joue un rôle important dans le processus de vieillissement, un spiritueux vieilli sous les tropiques aura un goût en bouche et des saveurs beaucoup plus riches et intenses qu’un spiritueux vieilli ailleurs, même s’il a vieilli pendant le même nombre d’années.

C’est pourquoi les spiritueux qui sont mis en fût et vieillis sous le climat tropical unique des Caraïbes vieillissent trois fois plus vite que ceux des climats tempérés « continentaux ». Le vieillissement continental a également tendance à produire des spiritueux dont la couleur et le profil de saveurs sont plus clairs que les rhums tropicaux, qui ont tendance à être plus riches et plus foncés.

L’influence du fût

Pourquoi le climat fait-il une telle différence ? La chaleur fait gonfler à la fois le rhum et le bois, ce qui signifie que le liquide gonfle et s’infiltre dans le bois, donnant à l’alcool et au chêne plus d’opportunités d’interagir ensemble. Étant donné que le chêne est plein de sucres naturels, de tanins et de composés de vanilline, certains de ces arômes deviennent partie intégrante du spiritueux.

Chez Appleton Estate, après des années d’expérimentation avec le vieillissement, les maîtres assembleurs sélectionnent le chêne américain Select Number One pour le vieillissement, en partie parce que ce bois est particulièrement riche en vanilline.

La part des anges

Le deuxième facteur est la « part des anges », un terme qui fait référence au niveau d’évaporation de l’alcool et à la quantité d’alcool « sacrifiée » pour les anges assoiffés.

Cette évaporation se produit sous tous les climats, mais elle augmente avec l’humidité et la chaleur. Lorsque les spiritueux sont vieillis au sein de régions tropicales, la part des anges se situe en moyenne entre sept et dix pour cent. Dans les climats plus frais, aussi peu que deux pour cent peuvent s’évaporer.

La chaleur est en partie responsable de la différence de taux d’évaporation, mais l’humidité y joue également un rôle puisque l’éthanol (l’alcool) s’évapore plus rapidement que l’eau dans des conditions humides.

Naturellement, le vieillissement sous les tropiques signifie que les producteurs perdent beaucoup plus de rhum qu’ils ne le feraient dans un climat plus frais. Mais l’avantage est que ce qui reste dans le fût après des années d’évaporation et de chaleur intense est un rhum foncé, robuste et corsé avec une réelle profondeur de saveurs.

On dit qu’un an sous les tropiques équivaut à près de trois ans de vieillissement dans un climat tempéré, et la preuve est dans le produit final.

Décoder l’étiquette

On pourrait s’attendre à ce que les étiquettes des spiritueux soient simples mais, pour le rhum, le décodage d’une étiquette peut être une tâche un peu délicate, car les différentes régions productrices de rhum ont des traditions de vieillissement et des normes d’étiquetage différentes.

Le vieillissement « Solera », par exemple, est une pratique courante chez de nombreux producteurs de rhum d’Amérique latine, qui se sont inspirés d’un système de « vieillissement fractionné » de l’Ancien Monde utilisé pour assembler et faire mûrir le xérès en Espagne. Ce processus consiste à assembler des portions de liquide provenant de divers fûts ayant des âges différents pour former un vin fortifié équilibré.

Les producteurs de rhum du Nouveau Monde utilisent souvent le système Solera pour assembler le rhum, mais il est important de noter que, dans de nombreux cas, le chiffre sur l’étiquette indique uniquement l’âge du rhum le plus vieux utilisé dans l’assemblage, et non le plus jeune. Les personnes qui ne connaissent pas le système de vieillissement Solera ne réalisent souvent pas qu’il s’agit d’un assemblage de spiritueux jeunes et vieux.

Le « vieillissement moyen » est une autre pratique utilisée par certains producteurs dans les régions où il est d’usage d’indiquer l’âge moyen du rhum dans un assemblage particulier, contrairement à l’âge du rhum le plus jeune. Encore une fois, le chiffre sur l’étiquette ne dit pas toute l’histoire, d’autant plus qu’avec les méthodes Solera et d’âge moyen, il n’y a aucune transparence quant à la quantité provenant d’anciens stocks par rapport aux nouveaux.

De nombreux producteurs de rhum des Caraïbes s’en tiennent à la norme traditionnelle de « vieillissement minimal » de la région, qui fait référence à l’âge du plus jeune spiritueux de l’assemblage. Dans une bouteille d’Appleton Estate 8 Year Old Reserve, chaque goutte de la bouteille a passé au moins huit ans dans le fût.

Au cours des dernières années, plusieurs producteurs caribéens ont préconisé une norme de vieillissement minimum pour les étiquettes de rhum, afin d’encourager la transparence de l’étiquetage et d’aider les consommateurs à prendre des décisions éclairées. Lorsqu’il est jumelé aux saveurs riches et audacieuses provenant du vieillissement des spiritueux sous les tropiques, le dévouement des Caraïbes au vieillissement minimum sur les étiquettes garantit que le rhum produit en Jamaïque respecte non seulement les normes les plus strictes, mais offre également un spiritueux exceptionnel qui vaut la peine d’être savouré.

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